(2010)
Quatuor à cordes n° 1
durée : 15 minutes
La forme d'une bouche charnue, généreuse. Qui ne s'ouvre que peu ; suffisamment
pour écouter l'infime et la rumeur, la tension que sa présence exerce. Elle est comme un grand œil, avec plus de relief peut-être. Elle me regarde et fixe, dans une progression et dans une chute
harmoniques, l'inévitable de sa forme. Cette dernière s'est imposée dans la construction de cette pièce, comme une évidence. Commissure I, le premier mouvement ascendant qui pousse les instruments à
bout. Au bord des lèvres, figurant le centre de la bouche, avec son creux caractéristique, l'extase d'un baiser du bout des lèvres et à pleine bouche. Commissure II, enfin, fermant la bouche dans des
glissandos étranges, simulant presque des sons électroniques. La bouche détermina donc la forme de ce quatuor qui la suit sans vraiment l'imiter ; c'est elle qui fixe les limites, l'ampleur du
mouvement, comme un repère évident dans la formation et l'extinction d'un dessin dans le temps et l'espace.
Le titre du quatuor est emprunté à un poème de Paul Eluard:
Ta bouche aux lèvres d'or n'est pas en moi pour rire
Et tes mots d'auréole ont un sens si parfait
Que dans mes nuits d'années, de jeunesse et de mort
J'entends vibrer ta voix dans tous les bruits du monde.
Dans cette aube de froid où végète le froid
La luxure en péril regrette le sommeil
Dans les mains du soleil tous les corps qui s'éveillent
Grelottent à l'idée de retrouver leur coeur.
Souvenirs de bois vert, brouillard où je m'enfonce
J'ai refermé les yeux sur moi, je suis à toi,
Toute ma vie t'écoute et je ne peux détruire
Les terribles loisirs que ton amour me crée.
In Paul Eluard, Capitale de la douleur, éditions Poésie / Gallimard